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Qui est Michel Aladenise, propriétaire et éleveur de Hooker Berry ?

Portrait

15 décembre 2022

Article paru dans 24H au Trot – Retrouvez tous les numéros du quotidien en cliquant ici

Michel Aladenise (félicité sur notre photo par Jean-Michel Bazire) est l’éleveur et le propriétaire de Hooker Berry, vainqueur du Prix d’Amérique Races ZEturf Qualif #2 – Prix du Bourbonnais, dimanche 11 décembre à l’Hippodrome Paris-Vincennes. Voici son histoire.

Tout commence avec un ami et une rencontre. L’ami, c’est Philippe Joyeux, un passionné de courses. Il fait découvrir le trot à Michel Aladenise. C’est une rencontre coup de foudre. Elle a lieu chez l’ancien entraîneur du Centre-Est Joël Richart. « De voir le travail des chevaux en piste, cela m’a séduit« , s’ouvre Michel Aladenise. L’homme a 28 ans à l’époque et le virus du trot est inoculé. « C’était pour moi un truc extraordinaire. Je sentais que c’était une rencontre qui allait changer ma vie sans vraiment savoir pourquoi. »

Une première rencontre qui a changé la vie de Michel Aladenise
« On ne peut pas expliquer ce genre de chose, continue encore Michel Aladenise. J’étais déjà à la tête d’une concession dans l’automobile, tout allait bien. En fait, cela me rappelait le monde paysan dont je suis issu. Je savais aussi que je ne pourrais pas en vivre. Mon premier achat n’a rien fait, un autre ensuite a gagné mais à petit niveau. Quand on ne connaît rien, c’est compliqué. » Malgré son coup de foudre, Michel Aladenise n’a jamais cédé aux sirènes du sulky pour découvrir des sensations nouvelles. « J’aurais bien aimé mais j’avais des concessions à faire tourner avec du personnel à payer et je n’ai jamais voulu prendre ce risque. Jean-Michel (Bazire) m’a proposé il n’y a pas longtemps de monter sur un sulky mais, maintenant, il y a l’âge qui tourne. »
■ La première victoire de la casaque : Sire des Bertrands (Héros de Biziat), le 17 avril 1988 à Lyon-Parilly.
■ Les professionnels de ses débuts : Joël Richart, Loïc Lerenard
Petites victoires et petits plaisirs pour Michel Aladenise à cette époque. « Mon rêve était d’avoir un compétiteur, un cheval qui court et gagne. Je voulais gagner, que ce soit à Lyon, Saint-Galmier ou ailleurs. Pas plus. Je n’étais pas dans l’esprit de vouloir gagner à Vincennes ou de participer au Prix d’Amérique Legend Race. »

Calinamalia, la première bonne jument
C’est Calinamalia (Quadrophénio) qui apportera les premiers grands bonheurs à Michel Aladenise. Il s’agit tout à la fois de sa première bonne jument et de son premier élève ! L’homme n’a pas perdu de temps. Sous l’entraînement de Loïc Lerenard, elle apporte 13 victoires à la casaque de Michel Aladenise de 1995 à 1998 dont une première victoire à Vincennes le 21 septembre 1997. Calinamalia conclut sa carrière avec 199.030 € de gains. Elle donnera un produit à l’élevage à Michel Aladenise Lorenzo Malia 1’18 (Tarass Boulba). Et sera aussi à l’origine d’un moment de doute. Morte au haras après son premier produit, « sa disparition a été un coup de bambou qui m’est tombé dessus. J’ai alors hésité à arrêter. Et je me souviens encore de mon père qui m’a dit « N’arrête pas ». J’avais besoin d’entendre ces mots et ils résonnent encore dans ma tête. Mon père m’a aidé pendant mes travaux et me soutenait mais n’avait jamais eu de chevaux à lui. Cet encouragement a été déterminant à ce moment de doute« .

Un accélérateur nommé Mich Phili
Les relations avec Philippe Joyeux font leur réapparition en 2000 dans la grande traversée hippique de Michel Aladenise. « J’avais une saillie de Podosis et lui une jument. On s’est mis ensemble et cela nous a donné Mich Phili. » Le poulain est bon, très bon même au point de devenir vainqueur semi-classique au monté à l’âge de 3 ans (le Prix Pierre Gamare), sous l’entraînement et la monte de Jean-Michel Bazire. Nous sommes alors en 2003. Mich Phili changera d’entraîneur par la suite puis deviendra étalon. « Un cheval comme Mich Phili, ça été le bonheur. À l’époque, je n’avais pas le temps d’aller sur les hippodromes et Jean-Michel Bazire ne me connaissait pas vraiment. Je regardais les courses en achetant les cassettes video ! Ensuite, Philippe (Joyeux) a changé le cheval d’entraîneur mais je me suis dit : « Il faut que je reste chez Jean-Mi ; ce mec est monstrueux. » Un jour, je l’ai appelé pour lui proposer un cheval et il a accepté. C’est parti comme cela. »

Que des bons moments avec Jean-Michel Bazire
Aujourd’hui, les Berry sont inextricablement liés à Jean-Michel Bazire. « Je dirais que je n’ai eu que des bons moments avec Jean-Mi (Jean-Michel Bazire). C’est un mec formidable. Il m’a tout apporté. C’est grâce à lui que j’ai pu monter mon élevage. Quand on se voit, c’est souvent festif. » En juillet, lors du Festival du Trot du Centre-Est, Michel Aladenise n’hésitera pas à venir plusieurs fois à Vichy sans y avoir de partant mais pour partager du bon temps avec Jean-Michel Bazire et son entourage. Il faut pourtant compter deux petites heures de trajet (aller) pour rejoindre Vichy, avec un retour tard dans la nuit après une réunion en nocturne prolongée d’un dîner toujours festif donc. Côté courses, la production de Michel Aladenise a monté en nombre et gamme ces dernières années. De fil en aiguille, d’un ou deux produits par an, l’éleveur envoie désormais quatre poulains (et pouliches) chaque année à Jean-Michel Bazire. « J’emmène ce que je choisis. J’ai carte blanche. Mon rôle est évidemment de lui donner ce que j’ai de mieux à mon sens. »

L’histoire d’une fidélité à sa jeunesse et au terroir du Berry
« J’ai été élevé dans les vaches » explique Michel Aladenise au détour de nos échanges. Précisons pour les puristes, on parle ici de vaches charollaises, ces icones de la production de viande. « Quand on est issu d’un milieu paysan, tout s’apprend dans l’approche avec les animaux, y compris les chevaux. Moi mes racines sont paysannes. J’ai grandi en ferme à quelques kilomètres d’ici. Quand j’ai pu acheter du terrain et que j’ai trouvé cet endroit que j’ai agrandi ensuite par d’autres achats, j’ai foncé. Aujourd’hui, je ne voudrais pour rien au monde changer de vie. » Pas question donc de farniente sur le pont d’un yacht en méditerranée, de pêche au gros ou de soirées dans les endroits « hypes » pour Michel Aladenise. Lors de notre rencontre, l’homme était, dès huit heures le matin, sur sa tondeuse, affairé à l’entretien de ses pelouses. Son domaine a un nom prédestiné. L’homme vit à Gros Bois, sur la commune de Vicq-Exemplet, dans la zone d’influence de La Châtre, située à une grosse vingtaine de kilomètres de Châteauroux. Le domaine fait une trentaine d’hectares d’un seul morceau soigneusement aménagé en site d’élevage. Tout a été imaginé, conçu et fabriqué par Michel Aladenise. Des découpes de paddocks aux abris pour chevaux en passant par les nourrisseurs.

Le dessous des cartes de la filiation Booster – Hooker
Michel Aladenise confie ses juments en Normandie au Haras d’Ecouché de Marie Tourainne et Nicolas Menand. Sur la proposition de la première, il met une jument à Booster Winner (Love You), un étalon qu’il apprécie, lors de sa première année de production (les « G »). « J’aime bien cet étalon d’autant plus que mes juments croisent bien avec Love You« , nous apprend l’éleveur. L’année suivante, les propriétaires de Booster lui proposent une saillie gratuite à condition de présenter une jument de première catégorie. « On ne m’avait jamais fait un cadeau pareil ! Je ne pouvais pas refuser, je leur ai proposé de mettre Osaka Berry, une fille de ma jument souche Idée du Corta, qui avait déjà commencé à bien reproduire. » Avec comme premiers produits Darling Berry (Prince Gédé – 304.140 € de gains) et Eliska Berry (Rocklyn – 290.125 €) et Falco Berry (Scipion du Goutier – 264.010 €), la poulinière a réussi un début de carrière au haras sur les chapeaux de roues. Avec Booster Winner, elle créera son chef d’œuvre Hooker Berry (902.520 € de gains).

La fondation avec Idée du Corta
Michel Aladenise a appris sur le tard, en autodidacte, mais a vite maîtrisé les fondamentaux de l’élevage. Sa jument base est Idée du Corta (Battling Joe) élevée dans le Cher voisin par la famille Morand. La jument n’a pas été qualifiée mais a séduit l’éleveur par son papier. « Ce qui me plaisait chez Idée du Corta, c’est qu’elle véhiculait le sang de Speedy Crown comme fille de Battling Joe. Ce dernier n’avait pas vraiment bonne réputation mais était l’un des deux fils de Speedy Crown à exercer en France, l’autre étant Workaholic. Or, on sait toute l’importance qu’a eue l’ouverture du stud-book français aux grands étalons américains dans les années 1980 et 1990 et c’est vraiment pour cela que j’ai acheté Idée qui n’était pas une très jument grande. Sa production est pleine de sang mais gentille. Une fois qu’ils ont compris, tout roule. Regardez quel amour de cheval est Hooker Berry. »

Quokine Berry, le premier étage de la fusée
Même si Michel Aladenise a vite connu des succès avec les premiers produits d’Idée du Corta, soit Osaka Berry (Caballio In Blue – 263.740 €), la future mère d’Hooker Berry, et Paolo Berry (Camélia du Donjon – 208.090 €), c’est la suivante, Quokine Berry (Chef du Châtelet – 890.580 €) qui lancera vraiment l’élevage dans la sphère classique. « Quokine a été un déclic. Avant elle, les chevaux ne pouvaient pas nourrir quelqu’un par exemple en lui procurant des revenus. Pour moi, ce n’était que la passion qui comptait. Avec Quokine, et ses victoires classiques et semi-classiques, cela a changé. Ensuite Tequila Berry a pris aussi pas mal d’argent puis Dayana Berry, Darling. À mes débuts, je cherchais à faire des compétiteurs et j’ai eu des vainqueurs parisiens ! Pendant longtemps, je n’ai eu que quatre ou cinq juments. Des gens me demandent des recettes mais je n’en ai pas. L’élevage réclame beaucoup d’humilité et de mettre en pratique ce qu’on a envie de faire. Pour ma part, il y a, je pense, des choses à ne pas faire, comme la consanguinité très rapprochée. J’ai étudié les lois de Mendel (le « père » de la génétique) à l’école et la génétique m’intéressait déjà beaucoup. Il m’en reste cette conviction que les croisements consanguins trop rapprochés sont contreproductifs. »

La possibilité d’une relève
Les deux enfants de Michel Aladenise, Mikaël (43 ans) et Sophie (33 ans), ont une vie professionnelle bien remplie. « Pendant longtemps, ils ne se sont pas intéressés aux courses, nous apprend l’éleveur. Ce n’est plus vrai aujourd’hui et sans doute que la belle histoire que l’on vit avec Hooker Berry y est pour quelque chose. Je suis content. Ils commencent vraiment à s’y impliquer et c’est d’ailleurs Sophie qui est la gérante de l’Elevage des Berry. Il reste que je suis inquiet à l’idée qu’ils reprennent la suite de mon élevage. Tout est contractualisé aujourd’hui. Il y a un nombre de données et déclarations administratives très important. Tout cela va compliquer la transmission même si cela va aussi dans le sens de notre époque. »

Savoir encourager l’élevage pour l’avenir des courses
Et l’avenir ? L’éleveur des Berry tire quelques sonnettes d’alarme. « Je suis pour le transport de sperme pour avoir plus de poulains à naître dans nos régions. De manière générale, il ne faut pas dégoûter les éleveurs passionnés. Comme vont les choses, on va avoir de moins en moins de partants. Or ce sont les joueurs qui nous font vivre. Comment générer du jeu sur des courses à huit partants ? »

Le bonheur est dans les prés
Tout est de son fait. Michel Aladenise a construit toutes ses infrastructures et nourrit au quotidien la vingtaine de chevaux du domaine qui s’étend sur une trentaine d’hectares. « J’élève sur des terres pauvres, c’est du sable. C’est pourquoi je nourris beaucoup avec du foin en permanence et des rations au quotidien. Je contrôle aussi mes terres pour ajuster mes compléments alimentaires. La nourriture est le nerf de la guerre. J’ai aussi une dizaine d’hectares séparés de mon site, à Châteaumeillant, avec de la bonne herbe« .

En bref – Michel Aladenise
■ ex professionnel de l’automobile avec deux concessions à Bourges et La Châtre (a vendu jusqu’à 600 voitures/an)
■ 128 victoires comme propriétaire depuis 2008 en France
■ 240 victoires comme éleveur depuis 1993 en France
■ Meilleurs représentants : Quokine Berry, Hooker Berry, Paolo Berry, Mich Phili, Dayana Berry, Falco Berry, Darling Berry, Houston Berry, Osaka Berry, Tequila Berry, Echo du Berry, Eliska Berry
■ 2 enfants : Mikaël (43 ans) et Sophie (33 ans)

Une vie à mille à l’heure
Avec Michel Aladenise, on a affaire un hyper actif. Pour faire plaisir à son père, il obtient un Brevet de Technicien Agricole à 18 ans mais décide immédiatement de passer les concours de la SNCF. « À l’époque, je me voyais mal rester à 18 ans avec mon père qui n’était pas propriétaire de ses terres. Il voulait me garder avec lui comme cela se faisait à l’époque mais je ne concevais pas de suite possible de mon côté. Je suis resté un an et demi à la SNCF comme conducteur de motrices diesel et électrique. C’est à l’époque où je faisais les championnats de France de judo. » Michel Aladenise est de ce point de vue un OVNI : « J’ai commencé le judo à 17 ans et était ceinture noire 3e dan à 19 ans. J’ai été dix fois champion du Cher, plusieurs fois en interrégions jusqu’à 32 ans. Cela m’a valu de faire mon service militaire dans les commandos parachutistes à Istres. » Et côté professionnel, après la brève parenthèse SNCF (« ce n’était pas fait pour moi, je voulais être dans le commerce« ), l’homme devient vendeur de voitures à 20 ans à Vierzon. Jusqu’à acheter sa première concession à 32 ans, à La Châtre, et une seconde à 37 ans, à Bourges. « J’ai toujours construit dans ma vie » commente encore Michel Aladenise. Le succès professionnel est au rendez-vous. Les affaires prospèrent mais exigent beaucoup. « J’ai arrêté à 51 ans et n’ai aucun regret. Je crois que j’aurais fait un burn-out. Il y avait un contact humain génial, j’ai passé des années fabuleuses avec une clientèle fidèle et un engagement total. C’était aussi une autre époque où l’on pouvait vendre ou livrer une voiture à 23 heures et finir à la table de nos clients. » Désormais, la vie de Michel Aladenise est celle d’un éleveur de trotteurs, à 100 %. « C’est stabilisant. Et puis les résultats sont là. C’est aussi un métier dans lequel on se projette .C’est un métier de rêve. »